Ciné- Revue est un magazine hebdomadaire belge francophone publié du 13 octobre 1944 à nos jours.
3 août 1951
Le 3 août 1951, un article illustré sur une double page se réjouit du retour de Blanche Neige et les sept nains sur grand écran en Belgique. Voici le texte.
Blanche Neige et les sept nains
On attendait depuis des années que le chef-d’œuvre que créa Walt Disney à partir d’un des plus charmants contes de Grimm réapparût à nouveau sur les écrans. On l’avait vu, on l’avait revu, et jamais on était saturé de cette merveilleuse et inégalable poésie que Blanche Neige et les sept nains, plus que tout autre film de Walt Disney, contient avec une plénitude, une simplicité et une authenticité quasi uniques dans l’histoire du cinéma.
Jamais en effet, le très grand poète qu’est Walt Disney n’atteignit plus de poésie, parce que jamais il ne réussit à charger ses admirables dessins animés d’autant d’émotions. Ses petits nains ont tout l’attrait de l’irréel, du rêve, de la légende et il possède en même temps une prodigieuse humanité qui nous permet d’être de plain-pied avec eux. Ils sont, de plus, tous doté d’une personnalité spécifique et bien caractérisée qui nous amène à porter à leur vie une attention passionné. Ils sont issus du rêve et ils rentrent dans le rêve, mais ils nous y emmènent irrésistiblement avec eux, et c’est cela qui est merveilleux : ce pouvoir unique de Blanche Neige, de nous emporter sans heurts, sans même qu’on s’aperçoive du voyage, dans un monde où la bonté, la gentillesse et la poésie coulent à pleins flots. Faut-il rappeler quelques admirables séquences, glanées au hasard dans ce conte qui en comporte tant ? Celle où l’on voit les sept nains, leur bonnet gauchement tenu à la main, s’approcher lentement du corps de la petite héroïne morte, et qu’ils aimaient tant, est chargée d’une prenante émotion dont la densité fit qu’on se sent avec eux le cœur triste à mourir. On a envie de pleurer avec eux, et on a envie en même temps d’embrasser Simplet sur les deux joues tant il y a de grâce et d’enjouement, tant il y a d’angélisme dans le moindre de ses gestes, dans la moindre ses mines.
Nous citons cette séquence, mais il en faudrait rappeler bien d’autres. Tout est merveilleux dans ce film, merveilleusement pensé, merveilleusement senti, et merveilleusement traduit, depuis la méchante reine, transformée en odieuse sorcière, depuis le touchant peuple des animaux de la forêt, jusqu’aux sept petits nains qui restent, à notre sens, comme une des plus vraies créatures poétiques de ce demi-siècle. Les trouvailles abondent en outre dans cette œuvre ou jamais l’imagination n’est prise de court.
Last but not least, there’s the delightful musical accompaniment and the popular melodies that accompany the drawings: “Some Day My Prince Will Come”, “Whistle While You Work”, etc…. are certainly still fresh in everyone’s memory. So, now more than ever, we can only use one word to describe this work, which we have the good fortune to rediscover: “marvelous”.
Roland Fougères.
30 janvier 1953
Alors que "Mon amour t’appelle" est sur le point de sortir sur les écrans, Ciné Revue consacre un article au duo de danseurs Marge et Gower Champion. Comme leur passé est exploré, Blanche Neige est mentionnée.
L'histoire de Marge et Gower Champion ferait un « gentil-gentil » scénario de film.
Par Harold J. Murray
Pour tout Hollywood, Marge et Gower Champion forment le plus charmant couple de danse qui se soit jamais produit à l'écran. Ils n'ont pas seulement beaucoup de talent, mais leur vie privée même est tellement « gentille-gentille » qu'elle ferait un admirable scénario de film du style beau conte de fées pour grandes personnes bien sages. Ils jouent, à l'écran et dans la vie, dans leur « team », deux rôles bien définis : Marge est l'espièglerie incarnée, tandis que Gower reflète le calme et la bonté. Depuis «Show-Boat», qui les révéla au public des salles obscures, ils ont cinq films à leur actif, dont «Mon amour t’appelle» est le dernier en date. «Mon amour t’appelle»... Nul autre titre ne pouvait mieux convenir à ce couple si doublement uni, professionnellement et conjugalement.
La manière dont ils se rencontrèrent, dont ils travaillèrent ensemble et dont ils se marièrent est une des plus belles histoires qui se soient jamais passées au pays du cinéma. Ce qui, en eux, a avant tout conquis le public américain, c'est qu'ils représentent parfaitement « le gars et la petite du coin de la rue ». Chaque jeune Américaine et chaque jeune Américain se reconnaissent en eux sans difficultés car la jeune Américaine joue naturellement, dans le couple, l'espièglerie tandis que le jeune Américain y personnifie le calme et la bonté (parfois, à des yeux étrangers, un peu bête). Tous les couples américains ne répondent certes pas à cette définition, mais elle constitue, sur ce plan, l'imagerie d'Épinal des États-Unis. Comme les Champion sont un couple américain moyen qui a conquis la gloire, il est normal qu'ils fascinent tous les couples américains, travaillés secrètement par un ardent désir de réussite matérielle. Je les connais bien et je dois à la vérité de dire que, dans leur vie privée, ils ne répondent tout de même pas complètement à l'image d'Épinal à laquelle on fait allusion plus haut. Ils croient trop en leur métier pour ne pas lui consacrer le meilleur de leur temps et leur existence est avant tout une laborieuse vie d'artistes. Le désir de perfection absolue qu'ils veulent à tout prix atteindre dans leur métier pèse sur leur vie personnelle et leur en vole une bonne partie, ainsi qu'on le verra d'ailleurs aux photos qui accompagnent cet article.
Gower me l'a avoué implicitement. « Un numéro de danse requiert infiniment plus de répétitions que le profane ne pourrait l'imaginer, m'a-t-il dit. Souvent nous manquons même du temps nécessaire à mettre réellement au point un numéro, soit pour la télévision, soit pour le music-hall, soit pour un film. Bien sûr, le public est satisfait, mais Marge ou moi-même, nous ne le sommes pas. Au cinéma, les choses se présentent mieux. Nous avons plus de temps pour fignoler les détails de nos danses. Nous en sommes contents car nous avons l’impression, à voir le résultat obtenu, qu'il valait largement les heures que nous avons passées à le poursuivre. »
Marge intervint alors en riant : « Si je vous disais un secret ? Il m'est parfois arrivé de pleurer d'énervement pendant les répétitions, mais j'ai un mari sans cœur qui ne connaît qu'un mot travail ». Malgré son correctif « travail », leur vie ferait tout de même un très beau scénario de film. On rappellerait comment ils se connurent tout jeunes dans une école de danse; ils étaient assis à côté l'un de l'autre, elle s'appelait Marge Belcher et lui, Gower Champion; comme B et C sont des lettres voisines de l'alphabet, on les plaça l'un à côté de l'autre. Bientôt, naquit entre eux une de ces merveilleuses idylles pleines d'innocence comme nous en avons tous connu. L'École Supérieure les sépara. La vie aussi.
Gower formait un couple dansant avec une certaine Jeanne Taylor et Marge était retenue par Walt Disney comme modèle vivant pour Blanche Neige, puis pour la fée bleue de «Pinocchio» (ces personnages de contes de fées lui convenaient admirablement). Vint la guerre. Gower fut mobilisé et traversa l'océan. À son retour, il retrouva sa partenaire Jeanne Taylor mariée, et mère de deux enfants. Il obtint un petit contrat à la Metro-Goldwyn-Mayer pour un rôle dansant dans «La pluie qui chante». Pendant ce temps, Marge était à New York où elle dansait dans « Dark of the Moon ». C'est là que l'atteignit une lettre de son père signalant incidemment que Gower Champion était revenue en Californie. Elle lui écrivit. Il répondit. Il fit le voyage de New York. Ils eurent plusieurs rendez-vous. Ils commencèrent à danser ensemble avant de songer à se marier. Puis, après ce galop d'essai, ils devinrent femme et mari à Los Angeles. Comme dans tous les beaux contes, ils furent heureux et continuèrent à danser très longtemps ensemble.