Adrienne D’Ambricourt

Née Adrienne Juliette Metsu le 22 juin 1878, et morte d'une crise cardiaque après un accident de voiture le 6 décembre 1957 à Culver City. Elle avait presque 60 ans au moment de jouer dans la première version française de Blanche Neige.

Les débuts de Mme Dumontier

Adrienne naît au 20 rue du Cirque à 16H le 22 juin 1878. Elle est la fille de Juliette Léonie Metsu, jeune fille de 21 ans sans profession, et de père inconnu. Ce n'est apparemment que le 14 décembre 1895 que Juliette reconnaît officiellement être la mère de l'enfant, si l'on en croit la mention inscrite à la marge de l'acte de naissance.

Alors qu'elle vit encore mineure seule avec sa mère au 10 rue de la Trémoille à Paris, elle épouse le 14 décembre 1897 l'artiste lyrique Émile Louis Dumontier, né le 4 mars 1872; un ténor du Théâtre Lyrique puis engagé à L'Opéra Comique, suite à son prix d'opéra-comique et de Chant au conservatoire de 1897.

À la mort de Félix Henri Carvalho, directeur de l'Opéra Comique en 1899 et ami personnel du couple dont il a été le témoin de mariage, Émile part au Grand Théâtre de Bordeaux et c'est là que sa femme fait ses débuts sur les planches. À l'époque son mari a vingt-sept ans et elle 20 ans, et elle est déclarée sans profession, bien qu'un article du 26 juin 1899 nous apprenne, sans la nommer, qu’Émile Dumontier "et sa femme ont donné un concert" à Londres et il "a été présenté (...) au Prince de Galles". Le 5 juillet, elle chante également "la chanson de Marthe" accompagnée au piano par le compositeur Beumber, qui "a chaudement félicité son interprète".

On sait donc qu'Adrienne a déjà au moins étudié l'art dramatique avant même son mariage : l'un de ces témoins de mariage est effectivement Eugène Sylvain, alors âgé de 46 ans, sociétaire de la Comédie Française et Chevalier de la Légion d'Honneur. Il est spécifiquement mentionné que c'est un ami de la mariée.

Les époux demeurent au 5 place des Vosges à Paris le 5 avril 1899 alors qu'elle donne naissance à leur fils, Jean Pierre Jules Dumontier, qui deviendra acteur. Cela porte un coup d'arrêt temporaire à sa vocation.

L'année suivante, son mari passe deux années à Nantes, puis une à Anvers et arrive au Théâtre Kursaal de Lille en 1904. Il partage ensuite, son temps entre Monte Carlo, Alger, Gand, Trouville, Dinard, Cabourg et Vittel. À la veille de la Première Guerre Mondiale, il met en scène des spectacles au Trianon Lyrique.

Mais dès le 15 février 1902, la jeune épouse Dumontier ,"La charmante et aimable femme de notre très aimé premier ténor", attire l'attention du journal La Silhouette qui nous apprend qu'elle a abandonné ses études avec Sylvain, sociétaire de la Comédie Française, pour son mariage, mais qu'elle a été depuis engagée par M. Villefranck, tout comme son mari. Elle joue alors notamment le rôle de la Reine dans Ruy Blas à Nantes. On loue alors son art de dire les vers, une première pour elle, ainsi que sa beauté, sa diction et sa voix ! Et l'article de conclure : "Aucune artiste n'est mieux douée que Mme Dumontier, aucune n'est digne d'être plus aimée ; si la délicieuse femme doit continuer la carrière dramatique elle peut être sûre que, dans un temps qui n'est pas éloigné, elle brillera au premier rang dans la phalange artistique."

Une chose est certaine : Adrienne a finalement embrassé sa carrière, mais pendant presque vingt ans, son nom reste discret et n'apparaît plus au côté de celui de son mari, pourtant régulièrement mentionné dans la presse. L'éducation de leur fils n'y est probablement pas étrangère. Mais il est également probable que son divorce le 5 mars 1906 explique qu'Adrienne revienne plus tard au théâtre avec un nouveau nom. Peut-être Émile l'a-t-il provoqué car il se remarie dès le 20 septembre de la même année. Il décèdera le 6 janvier 1930. Peut-être Adrienne est-elle retournée à Londres où elle a pu apprendre l'anglais et y refaire sa vie car c'est là qu'on retrouve sa trace.

Le retour de Mme D'Ambricourt

D'ailleurs d'où lui vient son nom de scène ? Sa famille est-elle originaire du village d'Ambricourt, dans le nord de la France, qui aurait pu lui inspirer ce nom de scène aux velléités d'anoblissement, et plus facile à faire adopter à l'étranger ? Son père a-t-il fini par la reconnaître, officiellement ou non ? Il ne semble pas s'agir du nom d'un potentiel second mari qui serait décédé avant 1930, année où elle se déclare veuve, mais bien d'un nom de plume. La première théorie semble la plus probable : parmi les témoins cités sur acte de naissance, on trouve d'abord Léon Manchon, un rentier parisien de 48 ans, mais surtout Albert Houzet, un négociant de 27 ans à Wizernes, un village situé à une trentaine de kilomètres d'Ambricourt. Un de ces témoins de mariage est également négociant à Dunkerque.

En tout cas, Adrienne demande à adopter ce nom officiellement le 6 août 1935 (pétition 47506). Là encore, son nom précédent déclaré est "Dumontier", ce qui tend à prouver qu'Émile était son dernier et unique mari jusqu'alors.

Comœdia, le 10 juin 1921, relate la reprise au Saint-James Theatre de Londres de la pièce "Daniel" de Louis Verneuil avec dans le rôle principal la grande actrice Sarah Bernhardt. Dans le petit rôle de Mme Girard, on trouve Mme A. D'Ambricourt.

Le journal australien Table Talk de Melbourne du 30 octobre 1924 nous rappelle qu'avant d'arriver aux États-Unis, Adrienne avait été membre de Comédie Française, et avait en effet joué dans la compagnie de Sarah Bernhardt. Le carnet de la semaine du 1er janvier 1931 précise en tout cas les affirmations du journal australien : elle aurait reçu "ses premières leçons de comédie de Maurice de Féraudy", lequel, en effet, est à l'époque sociétaire de la Comédie Française mais est peut-être ici confondu avec Sylvain. "Elle parut ensuite sur la scène de la Comédie Française et au Théâtre Sarah Bernhardt avant de passer en Amérique, où elle fut très remarquée sur plusieurs scènes de New York."

Elle a émigré aux États-Unis peu après, cette même année 1921 si l'on en croit ses déclarations ultérieures lors du recensement, apparemment en passant par Montréal au Canada auparavant dont elle serait partie en septembre, et le journal Le ménestrel du 25 août 1922 nous apprend qu'elle n'a pas perdu de temps pour trouver un rôle sur scène : elle a déjà tenu le rôle d'une baronne dans "The French Doll", avec Irene Bordoni et Harry C. Browne, une pièce de Paul Amont et Marcel Giberdont, adaptée en anglais par A. E. Thomas. Dans l'Evening Star de Washington du 26 décembre 1922, elle y est jugée très comique grâce à une scène de faux suicide avec un revolver à balles à blanc.

Elle interrompt apparemment cette tournée pour accepter la direction artistique d'une salle de Montréal, le "Théâtre National", devenu pour l'occasion le "Théâtre des Nouveautés" offerte par l'imprésario Louis Bourdon. Cet emploi sera de courte durée car elle revient aux États-Unis en août 1923, où elle se fixe pour de bon. Le 11 novembre 1929, elle obtient la nationalité américaine.

Sur scène, elle jouera aussi "Salvage" de David Belasco dès le 7 décembre 1925, "Transgression" avec Kay Francis le 13 juin 1931. C'est l'Intransigeant du 3 févier 1932 qui nous révèle qu'elle a créé, avec Charles et Mary K. Thomasset et Jacques Joujerville, un Théâtre Français de Los Angeles, voué à faire jouer des pièces du répertoire parisien.

Sa carrière cinématographique commence dès 1924 où elle tourne avec Gloria Swanson à deux reprises. Parallèlement à cela, on la trouve dans le Yearbook de la faculté "Ripley School" de Pennsylvanie, comme demeurant au 534 Madison Avenue à New York.

Adrienne D’Ambricourt en 1929
Jean Dumontier en 1941

Son fils, Jean Dumontier

Il est à noter que, dans la troupe du théâtre canadien, selon le journal, un des acteurs s'appelait Jean Dumoutier, de toute évidence une erreur du journaliste.

On trouve sa trace dans la presse comme acteur dans la pièce "Gens qui sourient" le 22 décembre 1921, puis dans "Le coucou magnifique", et "On peut descendre", "Le p'tit chasseur et ses maxims", "L'enfant du miracle", "Le contrôleur des wagons-lits". Après cette pièce mentionnée jusqu'en juin 1922, Jean Dumontier disparaît de la presse parisienne pour en revenir le 7 avril 1923 comme membre du Théâtre de Paris ayant souscris pour la statue en l'honneur de Sarah Bernhardt. Les dates coïncideraient donc en effet pour un petit interlude canadien.

Le Gaulois du 18 avril 1925 nous annonce le mariage, célébré le 8, de Jean avec l'actrice Made Siamé (à peine 7 ans plus jeune qu'Adrienne), laquelle attire l'attention de la presse depuis 1909. Les mariés ont 14 ans d'écart ; à l'époque et pour plus de 10 ans encore, Jean joue des rôles de jeune premier et, peu après, Made est cantonnée aux rôles de concierges, jusqu'à jouer quelques décennies plus tard le peu flatteur rôle de "la grosse dame" pour Georges Lacombe.

Jean tient ensuite à l'écran des petits rôles de 1933 à 1939 au moins. Paris soir du du 19 mai 1937 nous apprend que Jean Dumontier fait alors partie des meilleurs acteurs de doublage français d'alors. Dans le même temps, il se produira plusieurs fois sur scène dans des sketches comiques avec Alice Tissot, qu'il épouse.

Pendant la guerre, on le trouve sur les planches dans "La Tante Anna" au Théâtre de l’Étoile en février 1941, et au Théâtre Pigalle en avril, puis au Palais Royal avec Alice Tissot dans "L'Amour à l'ombre" et Un bébé au pensionnat". Il joue également le rôle du chauve dans Signé Picpus, une aventure de Maigret, et dans "Sylvie et le fantôme" au Théâtre de l'Atelier en 1942, après quoi il disparaît tant et si bien que, alors que Paris est libéré, Adrienne passe une annonce le 17 décembre 1944 et encore le 5 janvier 1945 dans France Amérique pour retrouver le fameux Jean Dumontier, 47 avenue de la Motte-Picquet dans le 15e arrondissement, et demande qu'on la contacte au 438 Norwich drive à Los Angeles. Et pour cause : c'est France-soir du 8 décembre 1944 qui nous en révèle la raison : Jean a été arrêté pour collaboration au motif qu'il a participé comme speaker à l'émission "La Rose des Vents" sur Radio Paris et aurait à ce titre gagné 14.900 marks en faisant 735 émissions aux côtés, par exemple, d'Yves Furet ou Jacques Marin, eux-aussi arrêtés. Mais, contrairement à ces deux confrères, il semble que sa carrière ne s'en soit jamais relevée. Il devient ensuite journaliste. C'est en tout cas la profession donnée sur son acte de décès.

Il meurt le 21 mars 1966 dans le 15e arrondissement, à son domicile au 92 rue de Javel. Il laisse derrière lui ce qui semblerait être sa troisième épouse, Madeleine Marguerite Herth, dont il semblait séparé puisque c'est une ami sténodactylo, Lucienne Durand, née Clément, elle-même mariée, qui vit à son domicile et déclare son décès.

Le parlant

À l'arrivée du parlant, Adrienne conserve une place de choix à la distribution de certains films mais est cantonnée aux rôles de françaises. Elle accompagne d'ailleurs de nouveau Gloria Swanson dans sa première tentative devant le micro. Cependant, la nécessité de filmer dans plusieurs langues toutes les productions destinées à être exportées la rend idéale et elle joue parfois dans trois versions du même film comme dans Le procès de Mary Dugan, où elle assure le même rôle d'un témoin clef dans les versions en anglais, en français et en espagnol. Pour relater le tournage de la version française de Jenny Lind avec Grace Moore à la MGM, le journal La semaine mondaine titrera à son propos : "la nouvelle star française".

Celle-ci semble changer de logement au gré de sa fortune dans le métier. Le 23 avril 1930, elle se déclare au recensement comme veuve, actrice dans les "films parlants", locataire d'un appartement au district 55 de Los Angeles, et née en France de père et mère français. Le 8 novembre 1935, à 57 ans, elle habite au127 Gillis Avenue Playa del Rey, Venice California. Le 25 avril 1940, elle se déclare toujours veuve et exerçant à plein temps le métier de professeur de français et "private tutor", et vit avec deux sœurs célibataires cinquantenaires sans emploi nées en France dans une maison estimée à 6000 dollars qu'elle possède au 262 Waterview avenue.

Lois Moran et Adrienne D’Ambricourt dans Men in Her Life
Adrienne D’Ambricourt

La Reine de Blanche Neige

À l'image de Lucille LaVerneelle interprète les deux rôles de la Reine et de la sorcière, ce qui rend la Reine peut être un peu moins noble et moins jeune mais certainement encore plus menaçante.

Ainsi, à l'époque du doublage, elle joue souvent de petits rôles. On la retrouve donc à cette époque en logeuse poursuivant les mauvais payeurs, Fred Astaire et Ginger Rogers dans La Grande Farandole (où elle chante La Marseillaise avec eux). Elle a des rôles un peu plus substantiels dans des productions moins prestigieuses comme Bulldog Drummond se marie, Pack Up Your Troubles ou L'heure suprême, où elle est parfois créditée.

La même année que la sortie de Blanche Neige, elle joue l'épouse à l'écran de l'acteur André Chéron dans Les Américains à Paris, où elle partage l'écran avec Eugene Borden, Jean de Briac, Charles de Ravenne et Louis Mercier, qui ont tous fait partie de la distribution de Blanche Neige!

Après Blanche Neige

Elle dépose les droits d'une composition dramatique intitulée "World Awakens" le 4 septembre 1942 sous le nom d'Adrienne Dumontier D'Ambricourt, comme en atteste le Catalog of Copyright Entries. Il semble en effet qu'elle écrit : France Amérique du 9 juillet 1944 rapporte dans ses colonnes que lors de la séance de clôture de l'Alliance française à San Diego, elle a donné une conférence sur "les Écrivains français en exil et les Poètes de guerre."

Le 14 avril 1946, elle déclame du Aragon ("Je vous salue ma France") lors d'une soirée en l'honneur du nouveau consul de France à Los Angeles.

Peut-être pour aller voir son fils, jugé collaborationniste après la guerre, on note une interruption de sa carrière Hollywoodienne entre 1947 et 1950 où elle tourne sur un unique film français, Bel Amour. Elle retourne ensuite à Hollywood à bord du S.S. Île-de-France du 23 au 30 octobre 1950. Elle vit à l'époque au 903 Venezia Avenue, Venice en Californie et a 72 ans, est mariée et citoyenne américaine. Il reste à découvrir qui serait ce nouveau mari.

Sa dernière apparition à l'écran semble être dans la comédie musicale Les Girls.

Adrienne D’Ambricourt dans Cap sur Marseille

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