Jean Daurand en 1962

Enfant de la balle, Jean Daurand est sans doute la personnalité qui, à l'époque du deuxième doublage de Blanche Neige en 1962 où il joue Atchoum, est sans doute la plus reconnaissable du grand public. Il triomphe alors sur le petit écran dans la série policière Les cinq dernières minutes, qui marquera sa carrière et sa vie.

Ses parents

Né Jean Charles Barniaud le 21 juin 1913 à Paris XIV, il semble que la carrière de ses acteurs de parents ne se soit pas faite sous leur vrai nom non plus : son père, nous apprend le journal Paris du 16 septembre 1917, se produit au Grand Guignol sous le nom de Defresne et habite Livry-Gargan avec sa femme et ses enfants. Il est alors téléphoniste dans l'armée et a déjà reçu deux citations pour son engagement dans le conflit. C'est ce même journal qui rapporte le 14 octobre cette année-là une matinée au bénéfice de l'hôpital 115 où participe Mme Barniaud. C'est grâce à cet article qu'on connaît l'origine du pseudonyme de Jean : sa mère Ernestine Durand se produit elle-même sous le nom de "Mme Daurand du Grand Guignol dont l'éloge n'est plus à faire." Et en effet, Mlle E. Daurand a, semble-t-il, déjà joué plus de 100 fois le rôle-titre de "Claudine à Paris" aux Bouffes parisiennes en 1903. On l'y décrit ensoleillée et alerte. L'année suivante, elle joue le rôle d'Aline dans "Le chemineau" à l'Odéon, et celui de Louise dans "L'incendiaire" au Théâtre Montparnasse, au côté de Camille Beuve qui la garde dans des rôles sans cesse plus importants au fil des pièces et des années (dont Ophélie dans Hamlet). Le rideau artistique et littéraire publie sa biographie dans ses pages en 1907, année où on trouve désormais des cartes postales à son image. En 1909, le texte sera repris presque tel quel et accompagné d'une photographie. Pourtant, elle change de registre dès 1907 pour jouer au Théâtre Moderne dans "Le billet de logement" et "Ferdinand le noceur". En 1909 au Théâtre Grenelle, elle joue "L'hôtellerie sanglante" et débute peu après au Grand Guignol dans Le testament. Partageant les planches avec elle dans la pièce, se trouve... M. Defresne aka Charles Barniaud.

À l'époque, il est déjà un pilier de l'institution. Dès lors, ils enchaînent les pièces, souvent ensemble. Ernestine sera sur scène jusqu'à 11 jours avant son accouchement et reprendra à peine un mois après. Le 29 avril 1922, Ernestine est promue officier de l'instruction publique et en 1924, elle passe aux capucines chez Yves Mirande où elle fait une silhouette dans "Miche et son père" et continue à travailler avec plus ou moins de régularité, apparaissant même dans le film Pierrot, mon ami en 1934.

Le père et la mère de Jean Daurand sur scène en 1923
Jean Daurand en 1939

Du théâtre au cinéma

Dans Le carnet de la semaine du 1er février 1933, apparaît M. Daurand, "jeune acteur d'avenir", qui joue le rôle du neveu dans "La joyeuse nuit" au Théâtre Comœdia, au côté de Lita Recio, elle-même future vedette du doublage, et Lucien Raimbourg, qu'il va suivre dans plusieurs pièces au cours des années suivantes et qu'il retrouvera bien plus tard pas moins de six fois dans Les cinq dernières minutes.

Aux Deux-masques, il joue une pièce policière de Maurice Leblanc : "L'homme dans l'ombre". En mai et juin 1936, "Nadir" au Théâtre de l’œuvre, "Tuez la guerre" au Théâtre Albert Ier. Paris-Soir du 13 août 1936 fait remarquer que, "transfuge du Théâtre des Deux-Masques", il a un "rôle important" dans Passé à vendre aux côtés de Jeanne Aubert et Pierre Brasseur. Le dernier prêtre (1937) au Théâtre des Capucines. Il joue "Sixième étage" aux Théâtre des arts avec Léonce Corne, future voix de Grincheux, et renouvelle son interprétation à l'écran dans l'adaptation de Maurice Cloche avec Janine Darcey, ce qui lui vaut des photos dans les journaux. Mais avant cela, le premier rôle à l'écran qui lui attire l'attention de la presse, c'est celui de La vie est magnifiquequi sort à Paris en mars 1939 et lui décroche la couverture de "Pour Vous" qui voit en lui "peut-être un nouveau Gabin, et sûrement un second Azaïs.". Dans ce film, il retrouve Robert Lynen qu'il avait croisé dans Éducation de Princeoù il n'avait qu'un petit rôle. Mais la guerre arrive et Jean Daurand n'est pas encore une vedette établie. Il continue à tourner mais enchaîne les petits rôles sans grand éclat. On le voit tout de même au côté de Gaby Morlay dans Service de nuitqui attire un peu l'attention. Au lendemain de la libération, il a un rôle remarqué dans La bataille du rail et un autre dans Le silence est d’or. où joue également Christiane Sertilange qui l'épouse en novembre 1946. Il incarne un inspecteur dans le célèbre Quai des orfèvres, un type de rôle qu'il reprendra souvent et pour lequel il deviendra célèbre au petit écran, grâce au rôle de l'inspecteur Dupuy, au côté du commissaire Bourrel, incarné par Raymond Souplex. Alors que sa carrière au grand écran pâlit après la fin des années 40 (on le trouve encore dans Les Dieux du dimanche avec Serge Nadaud), c'est donc la télévision et la scène qui lui offrent des rôles importants. Signalons le film Les amours de Blanche Neige avec Yvette Lebon et Michel Marsay, sorti le 11 janvier 1950, dans sa filmographie, qui n'a rien à voir avec le conte, malgré son titre.

Doublage

Dès le 9 août 1934, Comœdia nous révèle qu'il est déjà un des acteurs principaux du doublage du film Le fils de la jungleoù il double vraisemblablement Maurice Murphy au côté de Georges Hubert qu'il retrouvera sur le doublage de Blanche Neigeoù il joue le rôle d'Atchoum, personnage toujours entre deux éternuements qui ne lui laisse guère le temps d'utiliser sa voix normale.

Jean Daurand meurt le 11 mars 1989 à Argenteuil. Sa tombe porte le nom de l'inspecteur Dupuy.

Jean Daurand doublant Atchoum