29 octobre 1938

Le numéro 29 de la 10e année de ce magazine belge de 36 pages contient un article sur Blanche Neige et les sept nainsqui reprend, sous la forme d’un article rédigé par Walt Disney lui-même, la plupart des éléments de l’article du 26 février 1938 du Picturegoer britannique, lequel a été également repris en Italie dans le magazine Cinema. Une illustration au centre présent l’apparence et les noms anglais des sept nains. Voici le texte.

La genèse de «Blanche Neige» - Mon premier film de long métrage par Walt Disney

C’est autant par sentiment de cœur qu'au point de vue pratique que je fus inspiré du choix de «Blanche Neige et les sept nains» comme base de notre premier film de programmation pour R.K.O.

En premier lieu, je me rappelle que, encore gosse, j'étais allé au théâtre voir le spectacle de «Blanche Neige». Je m'étais servi d'une partie de mes économies de « route de journaux » pour me payer une place, et je fus si profondément impressionné que j'aurais voulu revoir cette pièce mille et une fois.

Au point de vue pratique, nous savions que «Blanche Neige et les sept nains» était un sujet universellement connu et apprécié. Nous savions aussi que ces caractères seraient des « sujets naturels » pour le medium de nos films, non seulement à cause de leur apparence physique, mais aussi à cause de leurs petites manières, individualité, paroles et actions. Nous étions certains que nous pourrions les populariser en imbibant leurs petits êtres irrésistibles d'un charme contagieux, rempli de crânerie et de gaité. Leur petite chaumière au fond des bois serait un canevas délicieux où nous pourrions introduire, tour à tour, tous les petits oiseaux et animaux qui avaient été notre succès de jadis.

Et, en dernier lieu, ces petits caractères humains et bizarres nous offriraient une source infinie de traitement. Et autant que je me rappelle, mon idée de mettre ce film à l'écran se cristallisa en 1933, mais j'ignore combien de temps j'ai nourri ce rêve. Depuis des années, notre public nous suppliait de créer un grand film. Naturellement, ceci eût une grande influence sur nous, car c'était une indication que le moment était mûr pour lancer notre nouveau projet.

Je n'ai pas convoqué le personnel du studio pour leur dire carrément que nous devions nous aventurer dans la réalisation d'un grand film. Au contraire, petit à petit, je leur fis part de mes idées, car nul ne réalisait mieux que moi que ce serait un pas révolutionnaire. Mais, comme mes camarades-artistes sont doués d'une vision extraordinaire et qu'ils sont animés de l'esprit des pionniers, peu de temps s'écoula avant que tout fut en marche.

En 1934, le scénario était presque complété et nous avions déjà des milliers de sketches, de dialogues comiques et d'arrière-plans ainsi que nombre d'expériences avec des caractères de toutes sortes.

À cause de la nouveauté de notre entreprise, beaucoup de nos expériences préliminaires furent mises de côté — matériel qui représentait des heures de labeur.

Conséquemment, presque tous nos résultats définitifs furent le couronnement de longues séries ardues d'essais et d'erreurs.

Nous avons fait des expériences avec des centaines de voix. Il fallait nécessairement que celles qui étaient choisies conviennent aux caractères que nous avions créés. Nos musiciens composaient des chansons et cherchaient des thèmes appropriés à notre mise en scène et à nos décors.

En 1935, la sélection des voix fût faite et on se mit à l'œuvre sur la préparation du scénario. Chaque petit détail appartenant à un caractère particulier fût noté, tant à l'apparence qu'à la personnalité, ce qui voulait donc dire que nous pouvions nous lancer dans l'expérience des dessins animés.

Nombre de personnes veulent savoir pourquoi la réalisation de «Blanche Neige» se monte à plus d'un million et demi de dollars. Si vous voulez bien réaliser que plus d'un quart de million de dollars servit au travail d'expérimentations préliminaires, vous aurez une meilleure idée de l'extravagance coûteuse de notre film.

Les animateurs devaient dessiner, jeter au rancart et dessiner de nouveau avant d'obtenir l'action définie de leurs caractères. Les artistes d'arrière-plan devaient faire des essais de toutes sortes avant d'atteindre les effets nécessaires.

Les véritables dessins animés commencèrent en 1936. Les meilleurs dessinateurs-artistes furent choisis et mis à l'œuvre sur «Blanche Neige». Il y avait aussi des directeurs de mise-en-scène, des auteurs-comédiens, animateurs, artistes d'arrière-plan et de décors.

Nous avons presque tous, à tour de rôle, travaillé jour et nuit sur «Blanche Neige». Notre second film de programmation «Bambi» est déjà en marche.

Maintenant que tous les problèmes de «Blanche Neige» ont été éclaircis, nous pourrons probablement réaliser un grand film par année à l'aide des expériences que nous avons gagnées mais nous croyons tous qu'il est plus sage d'en rester là, de crainte que la qualité en souffre.

Nous n'avons pas l'intention de produire un autre grand film avant un an et demi, sinon deux ans. Nous espérons que notre public appréciera «Blanche Neige». L'accueil généreux qu'il a toujours accordé à nos films nous laisse prévoir qu'il recevra notre nouvelle vedette et ses sept nains avec tout autant d'enthousiasme qu'il a su déployer pour la venue de Mickey, Minnie et Donald.