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Numéros des séquences : 1B, 2B, 7A, 9A, Le prince dans le donjon
Date du document : 20 octobre 1936
Date de la réunion : 19 octobre 1936 (de 9h00 à 13h00)
Sujets abordés : Reine qui parle avec le miroir, séquence de transformation, miroir brisé, malédiction des 7
Participants à la réunion : Bill Cottrell, Joe Grant, Dorothy Blank, Ham Luske, Walt, Harold Miles, Dave Hand (bien que non mentionné, Hal Adelquist était présent, un Dick non crédité a également participé, mais il n'est pas clair s'il s'agit de Creedon ou Rickard ou quelqu'un d'autre)
Rédaction du compte-rendu : Bee Selck (6 exemplaires réalisés)
Il s’agit d’un rapport de onze pages résumant une réunion de travail sur le scénario, au cours de laquelle plusieurs séquences furent discutées.
À ce stade du développement, le film s’ouvrait encore sur la Reine marchant dans un corridor vers son miroir, accompagnée de sa panthère et de ses gardes.
Cependant, la chanson, les troubadours et d’autres éléments furent peu à peu abandonnés au fil des discussions.
La première entrevue entre la Reine et le miroir fut resserrée pour se concentrer uniquement sur l’idée que Blanche Neige est la plus belle du royaume, en écartant les références au Prince ainsi que la tension dramatique entre le miroir et la Reine.
Deux versions de la seconde entrevue étaient alors débattues :
– soit la Reine brisait le miroir, et une malédiction la transformait en vieille femme ;
– soit la Reine se transformait elle-même de son plein gré.
Bien que cela ne fût pas au centre de la réunion, les participants évoquèrent également les événements de la séquence 9A et la situation du Prince dans le cachot.

Séquence 1B
WALT : Les gardes pourraient se mettre au garde-à-vous et claquer des talons au passage de la Reine.
DAVE : Je n’imagine pas beaucoup d’action venant des gardes – je les vois plutôt figés, immobiles.
WALT : Il n’est pas nécessaire qu’ils bougent beaucoup – simplement un geste du genre « présentez armes » lorsqu’elle passe.
DAVE : J’aime bien l’idée qu’ils ouvrent la porte, puis que la caméra descende en travelling jusqu’à un gros plan sur la panthère, avant un fondu enchaîné vers la scène suivante.
HAL : Au lieu que la Reine dise : « SEULE – PERSONNE AUX ALENTOURS », pourquoi ne dirait-elle pas plutôt quelque chose comme : « VOTRE REINE EST ICI » ou « VOTRE REINE SE TIENT DEVANT VOUS » ?
WALT : Je pense que la Reine devrait rester cohérente lorsqu’elle appelle le miroir, en utilisant toujours les mêmes mots, par exemple : « MIROIR MAGIQUE SUR LE MUR ».
WALT : Il faudrait que ce soit bien indiqué dans le dialogue ou dans le carton d’introduction que la Reine ne souffre pas qu’une autre puisse être plus belle qu’elle. Ainsi, lorsque la Reine se penchera à la fenêtre et apercevra le Prince, il y aura déjà une menace sous-jacente.
DOROTHY : Je pense que les images utilisées dans cette séquence pour décrire Blanche Neige serviraient mieux à renforcer la menace représentée par la Reine, à l’instant où le miroir hésite et refuse de révéler le nom de celle qui la surpasse.
WALT : J’ai simplement le sentiment que, dans la scène du jardin, il faut faire sentir à tout moment que quelqu’un risque de surgir et de s’en prendre au Prince – que sa vie, tout comme celle de Blanche Neige, est en danger. Ensuite, on aurait Blanche Neige le suppliant de s’en aller ; elle sent bien que tout homme qui lui témoigne de l’amour met sa vie en péril – mais le Prince, lui, s’en moque, il refuse de partir. Il faut vraiment faire passer cette menace – puis, quand on voit la Reine observant depuis la fenêtre, on doit sentir qu’il est condamné. On verrait les yeux de la panthère, puis le rideau qu’on tire en arrière.
WALT : « REINE, TU ES BELLE, C’EST VRAI, MAIS IL EN EST UNE PLUS BELLE QUE TOI ! »
Reine : « PLUS BELLE QUE MOI ? ALORS ELLE MOURRA. »
Il faut supprimer le passage parlant de Blanche Neige si belle que des troubadours venus de loin chantent sa beauté, etc.
WALT : Je crois qu’il serait judicieux d’introduire, à la fois dans le carton d’ouverture et dans le film lui-même, l’idée que bien des personnes ont mystérieusement disparu après avoir été dites plus belles que la Reine.
Ham : Verrait-on la Reine marmonner quelque chose lorsqu’elle referme brusquement les rideaux ?
WALT : Non. Je pense que sa colère doit se traduire par le mouvement avec lequel elle traverse la pièce. La musique doit enfler jusqu’à un certain point, puis, au moment où la Reine regarde en contrebas, tout s’interrompt, et l’on passe à la séquence suivante.
HAM : Quand la Reine regarde par la fenêtre, devrait-elle dire : « ELLE MOURRA » ?
WALT : Non. Je pense qu’il suffit qu’elle le fasse comprendre par le regard, puis qu’on revienne sur elle par un contre-champ. J’aimerais qu’on alterne plusieurs plans de ce genre, revenant sur elle à chaque fois.
Gardons les gardes dans l’ombre autant que possible – qu’on n’y distingue que des silhouettes. On passe simplement devant eux. Ils peuvent lever leurs hallebardes et, au passage de la Reine, claquer des talons.
WALT : Au lieu de la réplique : « PLUS BELLE QUE MOI ? TU PLAISANTES ! », il serait préférable de dire : « PLUS BELLE QUE MOI ? SI CELA EST VÉRITÉ, ALORS ELLE PÉRIRA ! »
DAVE : Pourquoi ne pas faire : « PLUS BELLE QUE MOI ? SI CELA EST VÉRITÉ, ELLE MOURRA. RÉVÈLE SON NOM », et passer aussitôt à Blanche Neige, sans tout ce dialogue supplémentaire ?
BILL : Ce serait bien, à moins que vous ne souhaitiez prolonger un peu le suspense de la révélation par le miroir – cela pourrait avoir de la valeur dramatique.
DAVE : Je ne vois pas l’intérêt de répéter « RÉVÈLE SON NOM ».
DICK : Ce qui me manque dans cette séquence, c’est le moment où le miroir dit que Blanche Neige est la plus belle de toutes. Je ne sens pas que la menace de la Reine se soit vraiment tournée contre Blanche Neige. Rien, dans cette introduction, ne fait comprendre au spectateur que, désormais, la vie de Blanche Neige ne tient plus qu’à un fil. Il faut sentir que la Reine est bel et bien décidée à se venger. Je ne vois pas d’autre façon de la présenter. Ce serait même rendre la séquence du chasseur bien plus forte ensuite, lorsque la Reine se montrera si douce et aimable.
WALT : C’est exactement mon sentiment également.
DICK : Je pense qu’il faut également atténuer le rôle du miroir, et ne pas en faire la figure dominante. À mes yeux, il n’est qu’un procédé, un instrument de récit. Je ne vois aucun intérêt à instaurer un conflit entre le miroir et la Reine, du genre : « Tu mens ! » et autres échanges semblables. À mon sens, la Reine consulte ce miroir depuis des années ; elle est habituée à son franc-parler. Elle pourrait être surprise, certes, lorsque le miroir lui révèle que Blanche Neige est la plus belle, mais aussitôt sa pensée doit s’enchaîner : « Blanche Neige doit mourir. » Dès lors, tout son plan se met en marche, guidé par cette unique idée : se débarrasser de Blanche Neige. Cela renforce aussi le personnage de la Reine. On dit qu’elle est vaniteuse ; mais lorsqu’on montre qu’elle est si vaine que ses rivales en beauté disparaissent mystérieusement, on le prouve. C’est dans l’excès même de sa vanité que réside son intérêt. Ainsi, en supprimant le conflit entre la Reine et le miroir dans cette première scène, on élève la Reine, et l’on renforce en même temps notre idée maîtresse : sa nature vengeresse, son obsession unique — être la plus belle du royaume. Il faut marteler cette idée sans relâche.
WALT : Tout l’enjeu du récit repose là-dessus ; c’est pour cela que Blanche Neige est envoyée dans la forêt.
DICK : Le miroir, à mon sens, devient plus intéressant s’il parle comme un oracle : une sorte de machine qui énonce la vérité, qui sait tout. Il n’éprouve ni intérêt pour Blanche Neige, ni pour la Reine ; on l’interroge, il répond. La seule fois où il devrait s’emporter, c’est lorsque la Reine menace : « Je te briserai ! ». Cela donnerait plus de force au moment où sa voix, jusque-là monotone, éclate soudainement. Ce contraste lui conférerait une puissance étrange, quasi surnaturelle.
JOE : Le visage du miroir pourrait n’apparaître que faiblement discernable au début, jusqu’au moment où il prononce le nom de « Blanche Neige » ; là, il deviendrait parfaitement net.
DICK : Il y a deux manières possibles de conclure cette séquence. La première : le miroir prononce : « Blanche Neige », et la Reine se précipite à la fenêtre. La seconde : la Reine éclate de haine, proclame ce qu’elle fera à la plus belle de toutes, puis ordonne : « RÉVÈLE SON NOM ! ». Le miroir lui répond de regarder par la fenêtre ; elle quitte le miroir, marche jusqu’à la fenêtre (sous un accompagnement musical tendu), et lorsqu’elle parvient à la fenêtre, c’est elle qui dit : « Blanche Neige ». Bam. Le miroir pourrait aussi dire « Blanche Neige », mais le véritable point culminant de la scène doit être ce mot : Blanche Neige.
WALT : Je me disais justement : ne serait-il pas intéressant que le miroir soit complice de la Reine, qu’il complote avec elle, lui souffle des idées ? Par exemple, dans la séquence 7A, lorsqu’elle découvre que Blanche Neige vit encore, la Reine pourrait dire qu’elle enverra plusieurs hommes pour la tuer, et le miroir lui conseillerait de ne pas le faire. Mais, dans ce cas, elle ne briserait pas le miroir. Cela ferait gagner du temps à l’histoire ; la Reine n’aurait plus à réfléchir seule à chaque plan.
DOROTHY : Je crois qu’une telle idée retirerait à la Reine une part de sa puissance.
DICK : Voici un schéma approximatif de cette première séquence : La Reine demande : « Qui est la plus belle de toutes ? » ; le miroir répond : « Ta beauté est sans égale, ô Majesté, mais je vois une jeune fille ravissante ; elle est si belle qu’un prince venu d’un lointain pays cherche à obtenir sa main. » Donnez-lui d’abord un long discours, qui explique la venue du Prince et l’amour qu’il porte à cette jeune fille ; puis, la Reine revient avec ironie, quelques mots méprisants sur l’amour et le Prince ; et enfin, elle va droit au but : « Est-elle plus belle que moi ? » Le miroir répond : « Elle est la plus belle du royaume. » Alors, la Reine, directement ou non, fait entendre clairement que quiconque oserait lui ravir ce titre le paierait cher. Le miroir la met en garde : « Il est écrit sur le parchemin du destin que si tu cherches à la tuer, tu mourras toi-même. » On pourrait alors grandir le personnage de la Reine en la montrant défiant le destin, les dieux eux-mêmes, prête à subir leur courroux, la foudre sur sa tête, plutôt que de laisser vivre sa rivale. À la fin de ce discours où elle défie tout, elle ordonne : « RÉVÈLE SON NOM ». On peut intégrer cette réplique directement ou de manière détournée. En somme : d’abord, le miroir raconte l’existence de cette belle jeune fille et du Prince ; puis la Reine demande : « Est-elle plus belle que moi ? », le miroir répond : « Oui. » La Reine réagit par la vengeance ; le miroir la prévient, elle défie l’avertissement et le destin ; elle ira jusqu’au bout pour rester la plus belle du royaume, quoi qu’il advienne. Enfin, elle dit : « RÉVÈLE SON NOM », et, soit elle est dirigée vers la fenêtre, soit le miroir prononce : « Blanche Neige ». En un mot : supprimons tout conflit entre la Reine et le miroir, et restons concentrés sur une seule idée.
WALT : Ne vaudrait-il pas mieux que ce passage soit très clair et direct, quitte à le polir ensuite, plutôt que de multiplier les détours et les sous-entendus dans le dialogue ? J’ai l’impression qu’on cherche trop à éviter la franchise, à être subtil. L’important, c’est de bien faire passer le message au spectateur ; ensuite, on peaufinera la tournure.
DICK : Je pense que tout conflit ou discussion prolongée avec le miroir détourne la scène à son profit et brouille le point essentiel : la vanité démesurée de la Reine, et le fait qu’elle ne tolère ni ne tolérera aucune rivale.
WALT : Si nous utilisons le miroir, il faut qu’il serve à faire avancer l’intrigue ; sinon, autant se contenter, comme dans la pièce d’Ames, d’une simple voix qui s’élève pour informer la Reine. Mais notre but, c’est d’en tirer quelque chose qui soutienne la Reine, pour qu’elle ne soit pas réduite à parler toute seule.
DICK : L’avertissement que j’ai proposé ne serait pas long, mais il offrirait à la Reine une belle occasion : un discours d’une dizaine de secondes, puissant, qui lui donnerait vraiment la scène et renforcerait sa stature. Même si les dieux eux-mêmes ont décrété, dans le livre du destin, que son acte la condamnera, elle ira jusqu’au bout. Cela accentue son arrogance, si l’on veut le dire ainsi.
On pourrait même ajouter qu’elle ne connaîtra pas de repos tant que l’une des deux ne sera pas morte.
WALT : Les répliques du miroir doivent rimer avec ce que dit la Reine.
DICK : Il faudrait évoquer le Prince dès le début.
WALT : C’est pour cela que nous avions prévu que le miroir annonce à la Reine qu’un Prince venu de loin cherche à épouser Blanche Neige. Cela place le Prince juste avant que la Reine ne s’approche de la fenêtre.
DICK : Je pense que le spectateur s’en souviendrait, même si le Prince était évoqué quatre ou cinq répliques plus tôt.
BILL : L’angle que nous avions choisi pour cette séquence, à l’origine, était que la Reine demande qui est la plus belle du royaume, et découvre pour la première fois que quelqu’un la surpasse. Puis elle apprend que c’est Blanche Neige, et que le Prince est venu demander sa main. La Reine en conçoit de la jalousie.
DICK : Cela suppose qu’elle n’a encore jamais vu Blanche Neige.
WALT : Je pense qu’au moment où le miroir dit « Blanche Neige », la Reine devrait se moquer : « Impossible ! Elle est en haillons ! ». Elle l’a gardée comme une servante pour justement l’empêcher de devenir belle. Cela rattache à l’idée qu’elle a délibérément voulu la maintenir dans la saleté et l’esclavage pour lui ôter toute beauté.
Vous avez certains points à faire comprendre pour que l’histoire avance ; il faut que le dialogue les exprime clairement. Il faut introduire que cet homme est un Prince, que la Reine découvre pour la première fois que Blanche Neige est plus belle qu’elle, et qu’un destin terrible attend Blanche Neige. Soyez directs et construisez à partir de là ; les tournures viendront ensuite. Tant que nous restons dans l’abstrait, on n’atteint pas l’essentiel : il n’y a pas de progression concrète pour le spectateur. Il faut bâtir d’abord, puis affirmer les points importants sans détour.
DICK : Blanche Neige est la plus belle du royaume, et il faut faire sentir ce qui l’attend pour cette raison ; le Prince, lui, n’est qu’un élément secondaire.
WALT : Non, ce n’est pas secondaire. Il faut aussi faire sentir que, maintenant que la Reine l’a appris, une menace plane sur eux deux. La présence du Prince complique les choses pour la Reine ; si elle l’avait su plus tôt, elle aurait agi, mais le miroir se taisait.
Il faut introduire que cet homme est un Prince, et ce qui va arriver à Blanche Neige. La Reine doit être surprise que Blanche Neige soit la plus belle, car elle l’a gardée en guenilles, occupée aux plus basses corvées du château.
BILL : J’ai toujours imaginé cette séquence ainsi : la Reine découvre, pour la première fois, qu’il existe quelqu’un de plus belle qu’elle. Peu importe ce qu’elle a pu faire auparavant ; peut-être s’est-elle déjà débarrassée d’autres rivales, mais cette fois, elle apprend que c’est Blanche Neige qui la surpasse. Elle se penche alors à la fenêtre et aperçoit Blanche Neige courtisée par le Prince ; ensuite, quand on revient à la Reine avec le chasseur, on révèle ses projets.
WALT : L’essentiel, c’est d’établir dès ce moment la menace. Il faut que cela se rattache à ce que diront plus tard les Nains : qu’elle est une vieille sorcière.
Peu importe qu’elle ait déjà fait d’autres victimes.
DICK : Je ne crois pas qu’il soit nécessaire que la Reine manifeste une grande surprise lorsqu’elle apprend que Blanche Neige est plus belle qu’elle. Dans l’introduction, on pourrait simplement dire que Blanche Neige était si belle que la Reine redoutait qu’elle ne devienne trop jolie.
WALT : J’aime l’idée qu’elle s’exclame : « Cette servante mal fagotée… plus belle que moi ? »
La Reine pourrait dire qu’elle a toujours cherché à la maintenir comme souillon.
Miroir : « Hélas, c’est vrai, ô Reine. Le Prince est dans le jardin, il sollicite sa main,
la courtise, et va l’emporter vers un pays lointain. »
Reine : « Une autre Reine plus belle que moi ? Il n’en sera rien : Blanche Neige doit mourir. »
Miroir : « Mais trop tard, ô Reine… »
WALT : Quand le visage apparaît dans le miroir, on pourrait obtenir un effet d’ondulation, comme lorsqu’on jette un caillou dans l’eau, et révéler ses traits à travers ces cercles.
Ce n’est pas gênant que la Reine ait déjà craint que Blanche Neige devienne belle ; elle pourrait d’abord en rire.
Penses-tu qu’on pourrait introduire quelque chose entre la Reine et le miroir, à propos de Blanche Neige qui sera emmenée et deviendra Reine dans un autre royaume ?
L’idée serait qu’il y aura une autre Reine, plus belle qu’elle, la plus belle de tout le royaume.
Le miroir pourrait dire : « Trop tard, l’amour s’en est mêlé ici ; il te faut désormais affronter une Reine d’un autre pays. »
DICK : J’ai peur qu’en ajoutant de telles idées, on perde la tension de l’histoire. Il vaut mieux s’en tenir à nos points principaux, l’un après l’autre. Je ne vois pas la nécessité d’expliquer que le Prince emmènera Blanche Neige dans un autre pays.
WALT : La Reine doit agir vite, elle doit faire quelque chose sur-le-champ. Je préfère que cette idée soit plantée ici, plutôt que de la reporter plus tard.
DOROTHY : Ce qui manque surtout en ce moment, c’est la menace.
HAM : Pensez-vous qu’il soit bon d’introduire l’idée qu’elle a déjà tué d’autres femmes plus belles qu’elle ?
WALT : L’essentiel, c’est de faire comprendre que si Blanche Neige est plus belle que la Reine, alors elle doit mourir.
Analysons cela ainsi : la Reine s’adresse au miroir, comme elle le fait chaque jour ; elle ne laissera jamais personne devenir plus belle qu’elle. Mais voilà qu’elle apprend que Blanche Neige, qu’elle a tenue pour servante, est en réalité plus belle qu’elle ; et qu’aujourd’hui, un Prince est venu demander sa main. D’abord, la Reine s’en moque ; mais lorsque le miroir lui montre que c’est vrai, elle conçoit alors son plan. Il faut que la scène s’élève jusqu’au moment où elle se penche pour regarder dans le jardin ; cela conduira naturellement à la scène de Blanche Neige et du Prince, où l’on sentira le regard de la Reine peser sur eux.
DICK : Je suggère qu’après avoir rédigé deux ou trois versions contenant ces idées, nous réalisions un accompagnement à l’orgue. Je crois qu’on peut faire passer énormément de choses par la musique.
WALT : À mon avis, cela doit déjà se sentir dans le dialogue. Il manque encore quelque chose : ce n’est pas assez direct.
DOROTHY : Il me semble important, dans cette première séquence, de déterminer ce que nous voulons inclure dans le carton du titre principal. Ainsi, on saura ce qu’il convient de répéter ici, et sur quels points insister.
WALT : Le texte du titre principal devrait être rédigé comme s’il sortait tout droit d’un conte de fées.
WALT : J’aime l’idée qu’elle dise « Miroir, Miroir », etc., et que la réponse du miroir sonne comme une formule qu’il a prononcée mille fois : il la récite machinalement ; puis, lorsqu’il arrive à la révélation, il appuie ses mots avec plus de force.
La Reine pourrait poser sa question habituelle d’un ton très doux, s’attendant à la réponse coutumière ; et, plus tard, dans la séquence 7A, lorsqu’elle posera de nouveau la question, elle serait à nouveau frappée par la surprise.
DICK : Ce serait une manière plus légère de traiter la scène.
WALT : Il serait préférable que l’esprit enfermé dans le miroir soit rétif, récalcitrant ; qu’il prononce certaines de ses répliques en grinçant des dents.
Pourquoi ne pas dresser un plan d’ensemble de cette séquence, pour voir comment elle pourrait s’enchaîner, jusqu’à la descente de la Reine dans le cachot ? Ce serait plus utile que de continuer directement sur la scène du cachot.
Séquence 2B
HAM : On pourrait établir une ressemblance entre les yeux de la Reine et ceux de la panthère. On pourrait commencer par un gros plan sur les yeux de la panthère, puis, sans changer de plan, remonter jusqu’à ceux de la Reine pour souligner cette similitude.
DAVE : J’imaginerais une ouverture sur les deux, dans une sorte de pose fixe – de manière à bien montrer que leurs regards se ressemblent.
WALT : Dans cette séquence avec le chasseur, il faut introduire ce qu’il advient du Prince – la Reine l’a fait écarter, afin qu’il ne puisse gêner ses projets. Ensuite, il faut faire comprendre que Blanche Neige doit être conduite dans la forêt : la Reine veut s’en débarrasser sans que cela puisse remonter jusqu’à elle. Il est très facile de se perdre dans les bois et d’être dévoré par les bêtes sauvages… Mais la Reine ordonne au chasseur de lui rapporter son cœur. Par ces mots, elle lui ordonne indirectement de la tuer.
Le moment fort de cette séquence, c’est précisément lorsque la Reine intime au chasseur de rapporter le cœur de Blanche Neige enfermé dans le coffret.


Séquence 7A
DICK : Je supprimerais les longs discours du miroir dans cette séquence. La réaction de la Reine, lorsque le miroir lui dit que si elle le brise il lui arrivera malheur, devrait être de l’arrogance : « Je ne crains pas tes malédictions ! » Puis elle sortirait le coffret et dirait : « Regarde ceci — son cœur ! » Le miroir rirait et répliquerait : « Le chasseur t’a trompée ! » Alors la Reine s’avancerait vers le miroir pour le briser, et celui-ci lui dirait : « Prends garde, ou tu ressembleras à ceci ! » — puis il tirerait sur un masque. La Reine le briserait, et tandis que le miroir tombe, elle dirait : « Voyons un peu ta malédiction, maintenant ! » Alors qu’elle s’éloigne du miroir, elle commence à réfléchir à ce qu’elle fera de Blanche Neige : « Cette fois, je m’en chargerai moi-même. » Elle se transforme alors en vieille femme ; sa voix se brise au milieu d’un éclat de rire — ha, ha, ha — et c’est à ce moment qu’elle réalise ce qui lui arrive.
WALT : C’est une manière trop subtile de la faire se transformer, Dick. Le miroir ne fait que la rendre furieuse au point qu’elle ne peut plus se contenir, puis, après l’avoir brisé, elle se rend compte de ce qu’elle vient de faire — et c’est alors qu’elle a peur.
DICK : Voyons cela autrement : elle n’a pas peur lorsqu’elle brise le miroir. Je crois même que c’est plus fort si, pendant un instant après l’avoir brisé, elle ne manifeste aucune crainte — au contraire, elle jubile — mais qu’après cette fierté et cette arrogance, la transformation se produise.
WALT : À mon avis, il faut que ce soit plus direct.
DICK : C’est déjà assez direct ainsi.
HAROLD MILES : Elle pourrait baisser les yeux sur ses mains et les voir se ratatiner, devenir ridées et déformées.
DICK : Je crois que le point culminant de la séquence, c’est précisément sa transformation en vieille femme. Si l’on accumule trop de tirades héroïques ou de petits climax avant cela, on casse le vrai sommet dramatique de la scène. Encore une fois, tout cela repose sur le conflit entre la Reine et le miroir, et ce n’est pas nécessaire — même si la prédiction de l’avenir est intéressante.
HAROLD MILES : J’aime bien le moment où le miroir tire son masque — c’est un effet marquant.
DICK : Tel que c’est construit ici, oui ; mais je trouve que tout cela mène à un climax un peu artificiel. L’important dans la séquence, c’est la transformation de la Reine, conséquence de la destruction du miroir — et cela, à mon sens, est déjà assez dramatique pour constituer le point culminant.
WALT : Après qu’elle a brisé le miroir et pris conscience de ce qu’elle a fait, elle pourrait alors craindre la malédiction dont le miroir l’avait menacée — craindre qu’elle ne soit en train de se changer. Peut-être essaierait-elle même de fuir cette métamorphose.
DICK : Avez-vous donc décidé qu’elle se transformerait au moment où le miroir se brise ?
WALT : On ne le sait jamais tant qu’on n’a pas mis la scène au point. Pour l’instant, c’est la manière la plus directe.
DICK : Dans la version précédente, où la Reine se transformait elle-même, nous en parlions toujours comme d’une femme assez légère et moqueuse — parlant à son corbeau — mais elle restait encore la Reine. Dans la nouvelle version, sa personnalité change totalement, ce qui permet de la traiter sous bien des angles.
WALT : Après sa transformation, elle pourrait se mettre à chercher le poison. Elle trouve la recette, et le fondu se fait sur la page où l’on lit : « Sommeil semblable à la mort » et « Ceux qui l’aiment l’enterreront vivante ». On verrait la Reine jubilant, ricanant. Puis, lorsqu’on revient à elle, la potion bout déjà. Elle plonge la pomme dans le breuvage verdâtre ; quand elle la ressort, elle a la teinte luisante d’une mouche bleue.
Nous pourrons obtenir de très beaux effets avec tout ce matériel d’alchimie : les cornues, les fioles, les bulles. À un moment, le liquide pourrait sembler « sangloter » en bouillant.
DICK : J’aimerais que la Reine reste arrogante après avoir brisé le miroir.
WALT : On peut faire beaucoup avec le jeu de la cornue : les ombres projetées, les contre-plongées, les silhouettes d’elle au travail. On construit la tension jusqu’à ce qu’elle boive la potion — et là, la métamorphose commence. On pourrait voir des plans de ses mains et de son visage en train de changer — elle regarde alors son corbeau, qui s’enfuit, effrayé.
Je crois que le plus sûr est de jouer la scène sur un ton de comédie sinistre : qu’elle prenne plaisir à se transformer.
DICK : Même si l’on vise le rire, ce rire doit avoir un fond inquiétant, menaçant.
DICK : Finissez-vous cette séquence sur un cri de vengeance ?
WALT : Oui. On voit ce qui lui est arrivé, puis vient la vengeance. Elle doit tout rejeter sur Blanche Neige.
DAVE : Pour ma part, je préférerais la version longue, où elle se transforme elle-même, à condition qu’on reste direct.
WALT : Elle est furieuse quand elle descend dans son sanctuaire. Elle médite sa vengeance, cherche quel déguisement adopter. Ainsi, on pourra montrer quel travestissement elle choisit. Elle tombe sur celui qu’elle veut, puis prépare sa potion, et se change en vieille femme — et cela la réjouit.
Le livre pourrait porter le titre « L’Art des Sorcelleries ».
On pourrait montrer le corbeau presque terrorisé — immobile, n’osant bouger, simplement observant. Par moments, l’ombre de la Reine passerait sur lui.
Il pourrait aussi se produire quelque chose dans les fioles bouillonnantes : quand elle ajoute la poudre pour transformer sa voix, la fumée laisserait entendre le rire grinçant de la vieille femme. Puis elle prendrait un ingrédient pour le dos voûté, un autre pour le tremblement des mains, afin de susciter la pitié. Pendant la transformation, elle pourrait crier : « Et ma verrue ! », et quand la verrue apparaît, elle éclate de rire.
Son visage, ensuite, pourrait se détendre un peu pour qu’il ne soit pas trop effrayant — comme lorsqu’elle tentera de vendre la pomme à Blanche Neige.
Je conçois bien que la Reine s’amuse, mais sans pour autant gesticuler comme les frères Marx.
Le dialogue dans le sanctuaire pourrait se dire à voix basse, presque chuchoté.
DICK : Même si la destruction du miroir ne la transforme pas, le rire qui s’ensuit reste très fort.
DOROTHY : On peut garder la malédiction et le ricanement, même si elle ne change pas immédiatement.
DICK : Si nous retenons la version longue, on pourrait peut-être raccourcir l’épisode du Prince : le laisser au jardin sans ordonner son arrestation, puis, à la fin du film, le faire partir à sa recherche — inutile de le jeter au cachot.
WALT : Ce n’est qu’une réplique.
BILL : Dick parle des scènes du cachot.
WALT : Nous devrions tout de même montrer le Prince emprisonné.
WALT : Au moment où la Reine quitte le sanctuaire, elle pourrait s’arrêter, revenir lire le contre-poison, puis se rendre au cachot où le Prince est enchaîné, et ouvrir la vanne d’eau.
HAM : Lorsque la Reine lit la recette, elle devrait en répéter certains passages à voix haute. Tout ce qui a de l’importance dans l’histoire devrait être entendu deux fois.
Je crois que la partie à raccourcir dans cette séquence, c’est celle où elle cherche quel déguisement adopter. À mon avis, lorsqu’elle descend l’escalier, elle sait déjà ce qu’elle va faire. Autrement dit, ces allées et venues pourraient être supprimées.
WALT : Je ne verrais le va-et-vient que pour amorcer la scène : elle cherche le corbeau, lui adresse quelques mots, puis tombe sur l’idée de son déguisement.
DICK : On pourrait peut-être la faire se changer rapidement en vieille femme, et consacrer la majeure partie de la séquence à la préparation de la pomme.
WALT : Ce qu’il faut, c’est savoir ce que cette pomme fera. On ne montre pas tout de suite l’antidote ; on ne le découvre qu’à la fin, juste avant qu’elle parte, lorsqu’elle lit : « Le baiser du premier amour ». Elle sait alors comment parer à cela, et s’en va au cachot pour ouvrir l’eau.
Je crois qu’on peut tirer beaucoup d’effets intéressants de la préparation de la potion : le liquide bouillonnant, et la voix grinçante de la vieille qui semble sortir des bulles.
On peut clore la scène au moment où la Reine découvre la recette de la pomme empoisonnée et l’effet qu’elle aura sur Blanche Neige ; puis couper vers Blanche Neige et les Nains, avant de revenir à la Reine finissant de préparer la pomme.
DICK : Pendant qu’elle prépare sa potion de déguisement, elle peut devenir complètement folle, s’éloigner de son personnage de Reine.
BILL : Il faudrait introduire ici l’idée de la « vieille colporteuse » pour son déguisement.
WALT : Elle pourrait avoir un livre intitulé « Cent et un déguisements ». Elle les feuillette un à un, jusqu’à tomber sur celui de la « vieille colporteuse ».
BILL : Dans le sanctuaire, le caractère de la Reine serait rusé et diabolique.
DICK : Le rire irritant du miroir est une bonne trouvaille, car il se prolonge même après que le miroir est brisé.
HAM : Dans certains plans où la Reine parle, on pourrait la laisser hors-champ et ne montrer que le miroir.
DICK : Quand le miroir dit : « Imbécile ! Le chasseur t’a dupée ! C’est le cœur d’un porc ! », il se met à rire, ce qui rend la Reine folle de rage.
WALT : Nous avions déjà envisagé qu’il dise : « Un cœur pareil au tien — un cœur de porc ! », puis qu’il rie en imitant le grognement du cochon.
DICK : L’idée du masque est bonne.
BILL : Le miroir pourrait dire : « Je vais te montrer ton ultime destin », et tirer le masque pour révéler une image de la mort.
Je crois que l’attitude de la Reine serait pleine d’arrogance : « Tu mens ! » — puis pan. Je ne la montrerais ni effrayée après avoir brisé le miroir, ni inquiète dans le sanctuaire.
WALT : J’aime bien l’idée que le miroir reflète son vrai visage.
BILL : Après cette séquence, nous passons à celle de la fête et du coucher, n’est-ce pas ?
WALT : Oui. Une fois la mort de Blanche Neige décidée. Après la séquence de la fête, on revient à la Reine : elle est prête à partir, ou déjà en route. Puis on montre les Nains quittant la maison pour la mine.
Travaillez beaucoup les ombres dans le sanctuaire ; de la vapeur peut s’élever devant elle, et l’on devine sa silhouette derrière.
Quand le liquide bouillonne, on pourrait même faire entendre un petit éternuement sortant des bulles.
BILL : Si nous choisissons la version où le miroir ne provoque pas la transformation de Blanche Neige, faut-il quand même garder la prédiction selon laquelle, si la Reine tente de la tuer, elle mourra ?
WALT : Je changerais tout cela.
WALT : Les points essentiels de cette séquence sont les suivants : La Reine découvre que Blanche Neige est toujours vivante, qu’elle se cache dans la forêt avec les petits hommes. Elle doit alors trouver un autre moyen de s’en défaire — mais cette fois, elle ne laissera plus personne s’en charger : elle s’en occupera elle-même. Il faut que cette séquence ait son propre temps fort, comme la 1B, où la Reine traverse la salle et tire les rideaux : ici, le temps fort, c’est lorsqu’elle brise le miroir et décide qu’elle fera le travail elle-même. Chaque scène doit se conclure sur un sommet.
HAM : Ne pourrait-on pas imaginer que le miroir dise à la Reine qu’elle n’a plus de pouvoir, qu’elle ne sera jamais plus la plus belle — alors elle le brise, tandis qu’il rit d’elle ? Et qu’il ajoute que Blanche Neige demeurera la plus belle ?
WALT : Trop de présages tuerait la menace.
HAM : J’aime l’idée que le rire se multiplie à travers les éclats du miroir brisé.
WALT : Le miroir pourrait s’amuser du fait que la Reine a été dupée par son propre chasseur : « Ce n’est pas le cœur de Blanche Neige — c’est un cœur de porc ! »
La Reine pourrait commencer à briser le miroir, et celui-ci la prévenir que si elle le détruit, elle subira la malédiction des sept.
HAM : J’aimerais que le miroir ose la défier — qu’il avance sa tête vers elle en la provoquant : « Ose me briser ! »
DICK : Dans ce cas, dès la première séquence, il faudrait que le miroir manifeste déjà une certaine antipathie à son égard ; il ne peut pas devenir soudain trop agressif sans préparation.
HAM : J’aime l’idée d’un esclave contraint, rétif, qui obéit malgré lui.
DICK : Oui, l’idée est bonne : lorsqu’il apparaît pour la première fois, il pourrait flairer l’air, dire quelque chose comme : « Quel nouveau crime as-tu en tête aujourd’hui ? », et la Reine le ferait taire d’un geste.
WALT : (Revenant sur la séquence 1B) J’aime quand elle dit : « Miroir, Miroir », etc. — et que sa réponse, toujours la même, semble dite machinalement, comme s’il l’avait répétée mille fois. Puis, lorsqu’il arrive à la partie essentielle, il accentue ses paroles.
WALT : Le miroir pourrait la provoquer d’une manière qui la met hors d’elle, jusqu’à ce qu’elle lui lance le coffret au visage.
