C'est un fait relativement connu que Blanche Neige et les sept nains a été le premier long métrage dont la bande sonore a été commercialisée sur disque. En fait, la première bande sonore musicale d'un film non animé est sortie 10 ans plus tard avec le film de la MGM La pluie qui chante. Qu'en était-il avant ? Des disques sortaient bel et bien (à l'époque des 78 tours) mais il s'agissait invariablement de versions réenregistrées spécialement pour le disque en question. Les principaux interprètes populaires du moment pouvaient chacun proposer leur version de la dernière chanson à la mode. Blanche Neige ne fera d'ailleurs pas exception sur ce point. En revanche, et c'est nouveau, le public peut, dès janvier 1938, retrouver sur trois disques des extraits de la bande son telle qu'il l'a entendue au cinéma, à quelques détails près.

La genèse de disques à part

Alors que la sortie du film approche, Walt Disney a besoin de trouver des fonds pour finir la production. Il est approché par Saul Bourne, avec lequel il traite déjà pour les Silly Symphonies, pour acheter les droits de la musique de Blanche Neige. Bourne fait affaire avec Irving Berlin qui se charge de sortir les nombreuses partitions et avec RCA qui publie 20 minutes environ de la musique sur disques Victor Records. Cet accord ne sera que le début d'un long problème judiciaire pour Disney qui, de fait, ne possédera plus jamais les droits de la musique de son premier long métrage. Il est autorisé à sortir et ressortir le film mais Bourne et ses héritiers garderont jusqu'à nos jours le contrôle de la musique. Le 7 décembre 1937, RCA signe donc un contrat pour sortir des disques des deux versions déjà enregistrées et disponibles : la version en anglais, et celle en espagnol. Aucune autre version ne sortira jamais en disque avant les années 1980.

La pochette

Les trois lourds disques 78 tours, à l'époque fabriqués en gomme-laque, sont rassemblées dans une pochette en papier cartonné qui mentionne la référence de la sortie, J-8 (le J signifie Juvenile ou Junior), et précise bien au potentiel acheteur qu'il s'agit là "des chansons de Blanche Neige et les sept nainsde Walt Disney, avec les mêmes personnages et effets sonores que dans le film du même titre."

L'unique illustration centrale ne reprend pas, comme on aurait pu s'y attendre, le rôle-titre, mais les sept nains rentrant de la mine qui traverse un ravin à l'aide d'un tronc d'arbre. Cette illustration a été faite par Gustaf Tenggren pour inspirer les animateurs et se retrouve ici utilisée à des fins promotionnelles.

Si l'ensemble peut paraître assez simple d'aspect et pâlit parfois en comparaison avec des sorties ultérieures ou étrangères, il faut se rappeler que la plupart des disques de l'époque sont vendus sans même une pochette personnalisée. La simple existence de celle-ci pour cette sortie est en soi un évènement.

Les disques

Chaque disque se trouve dans une pochette individuelle de l'éditeur qui pourra varier d'un exemplaire à l'autre, car il ne s'agit que de promotion RCA ou de leurs autres disques. D'ailleurs, chaque disque pouvait être vendu séparément également mais une publicité d'époque présente le lot à 2,25$, et il semble qu'en 1940, le lot était vendu 1,50 $. Les chansons sont ainsi réparties :

  • 25735-A With a Smile and a Song
  • 25735-B Dig Dig and Heigh-Ho
  • 25736-A I’m Wishing and One Song
  • 25736-B Whistle While You Work
  • 25737-A Dwarf’s Yodel Song
  • 25737-B Some Day My Prince Will Come

Il s'en est fallu de peu pour que les chansons soient dans l'ordre du film, mais il semble qu'elles ont été réparties pour proposer une romance et une chanson plus rythmée sur chaque disque.

Les enregistrements sont-ils bien ceux du film ? Si l'on considère le moment où les masters ont été données à RCA pour fabriquer les disques, il est vraisemblable que oui. Mais si l'on compare avec le montage finalement retenu lors de la sortie, on trouve quelques différences, probablement dues à des décisions de dernière minute.

Ainsi, dans Heigh Ho, un passage sifflé entre le moment où Simplet accroche la clef de la mine au mur et où les nains marchent à la file indienne semble avoir été coupé. On retrouve d'ailleurs ce bref instant lorsque les nains poussent un wagonnet plus tard dans le film, bien que le morceau soit interrompu par l'arrivée des animaux. Si vous souhaitez voir l'animation qui devait accompagner ce morceau de musique coupé, je vous suggère de regarder le court métrage La parade "Standard" de 1939, où l'animation a été réutilisée.

Dans One Song, à la fin du morceau, on n'entend pas le bruit que fait la colombe lorsqu'elle rougit. C'est un détail mais son intérêt réside dans le fait qu'il semble que les studios n'aient pas gardé ce mixage d'origine sans l'effet sonore car il apparaît dans tous les disques récents, y compris ceux qui tentent de ne présenter que la musique sans les effets sonores.

Enfin dans Dwarf's Yodel Song, Atchoum chante un couplet qui n'apparaît pas dans le film entre celui de Joyeux et Timide. Il y évoque l'utilisation de ses moustaches comme couche, ce qui peut expliquer le retrait. On remarque également des différences de mixages des voix lors du refrain, ce qui peut expliquer certains plans où les nains bougent les lèvres mais où on ne les entend pas chanter.

Les disques sont distribués à travers le monde (en anglais) et ressortent peu après plusieurs fois avec différentes pochettes aux États-Unis, puis au format CD en 1988, mais avec le même enregistrement.