Générique de 1962 en français

Un besoin de neuf

En 1958, Blanche Neige et les sept nains ressort aux États-Unis. Or, la compagnie qui distribuait les films de Walt Disney, la RKO Radio Pictures, a depuis fait faillite. Problème : son logo était incrusté dans le visuel d'au moins un carton sur tous les génériques de ses longs-métrages. Dans le cas de Blanche Neige, le logo apparaît à la fin, et la mention de la compagnie apparaît dans le troisième carton du générique de début.

Une deuxième considération sonne le glas de ce générique : l'industrie cinématographique a connu un changement majeur au milieu des années 1950 : le développement des formats larges de projection comme le CinemaScope, Vistavision, et d'autres. Le changement de format des écrans implique que les exploitants projettent des films tournés au même format 1.33 qu'auparavant en coupant le haut et le bas de l'image pour rendre une image plus grande et remplir l'écran, désormais plus large qu'avant. Or, si cette considération est prise en compte pour les nouvelles productions dans lesquelles on veille à ne pas mettre d'information cruciale dans cette partie de l'écran, la ressortie d'anciens films cause souvent quelques têtes coupées et des pieds invisibles. Dans le cas des génériques, on perd même quelques lignes.

Afin d'éviter cela et de pallier le problème précédent, on décide donc de retourner le générique de Blanche Neige sans mention de distributeur. Pour cela, on peint un nouveau décor, le précédent n'étant plus dans les collections du studio.

Grâce à ce travail, on retourne également le générique des versions étrangères, et notamment de la version française qui ressort en 1962. On en profite pour ajouter le nom des artistes qui réenregistrent les dialogues et chansons de la bande son. En effet, la qualité sonore et les fautes de français de la première version n'ayant jamais satisfait les responsables du studio, il est naturel de changer tout ce qui peut l'être, d'autant que, sous la houlette de l'ancien animateur Jack Cutting, promu responsable des versions étrangères au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la technique du doublage des productions maison s'est considérablement modernisée et standardisée. Une version internationale, mariant musique et effets sonores est maintenant établie pour chaque film et il ne reste plus qu'à mixer les voix étrangères dessus.

Des vieux routards du doublage

Reste à choisir les interprètes idéaux. Le trait de génie de Cutting, qui a cherché méticuleusement la voix de l'héroïne, a été de choisir une soprano lyrique à la voix radicalement différente de Caselotti. Lucie Dolène, si elle peut en effet monter aussi haut que l'américaine dans ses arias lorsqu'il est besoin de raccorder avec elle, a une voix infiniment plus mature et apporte ainsi au personnage une qualité qui n'était pas aussi évidente jusque-là : sa douceur maternelle.

La Reine est délicieusement jouée par deux actrices aussi dissemblables que géniales : Claude Gensac se charge de la souveraine au début du film et apporte sa classe naturelle au personnage qui devient ainsi d'autant plus cruelle que sa voix reflète la beauté de son image. Marie Francey, qui a doublé les plus grandes depuis les années 30 met son expérience au profit de l'interprétation de la Reine après sa transformation. Elle est aussi diabolique et grand-guignolesque que le rôle le demande.

Le Prince, qui chante bien plus qu'il ne parle, emprunte la voix charmante de Jean Cussac, choriste prolifique des années 60 dont la voix protéiforme a également servi aux chants des nains.

Les autres acteurs sont des professionnels du doublage, à commencer par l'esclave du miroir, Serge Nadaud, également responsable de la direction d'acteurs. La grosse voix de André Valmy facilement reconnaissable, lui a permis de doubler Walter Matthau, Robert Mitchum et d'autres bad boys remplis de testostérone pendant des décennies avant de s'attaquer ici au chasseur. Richard Francoeur est presque un acteur inévitable dans le doublage dans un nombre impressionnant de films des années 30, où il était Gary Cooper, à sa mort en 1971. Sa voix, alors plus mature mais toujours séduisante, lui permet d'incarner un Prof tout à fait charmant, ainsi que dans le chant.

Grincheux est interprété par le vieux Léonce Corne, voix de Groucho Marx, qui, on s'en doute, amène la malice nécessaire au rôle.

Jean Daurand, voix d'Atchoum, est alors la vedette de la troupe : il triomphe alors dans le feuilleton Les cinq dernières minutes.

Raymond Rognoni, acteur depuis sa plus tendre enfance, est alors tout en rondeur, comme son personnage de Joyeux. C'est d'ailleurs des rôles d'acteurs bien en chair qu'on lui donne à doubler d'ordinaire avec Edward G. Robinson, Peter Lorre, etc.

Georges Hubert, éternel second rôle en doublage, joue le très court rôle de Dormeur.

Habitué des doublages Disney parmi beaucoup d'autres, Maurice Nasil, après le rôle du timide Fleur dans Bambi, s'acquitte ici du rôle de Timide.

Les acteurs du doublage de 1962
Insert avec une faute

Sorties et modifications

Visuellement, tous les inserts qui avaient été traduits en 1938 ont été conservés pour cette version, à l'exception notable du texte précédant la dernière séquence qui montre les saisons qui passent. Puisqu'il fallait les refaire pour les langues dans lesquelles le film n'avait pas été traduit auparavant, le studio a également remplacé les titres animés français par des titres fixes et a stupidement laissé une coquille se glisser dans le texte alors qu'il n'y avait pas d'erreur auparavant. Le texte se lit désormais "endormei" au lieu de "endormie".

Cette version du film est sortie dans les salles françaises le 12 décembre 1962 avec le slogan "Blanche Neige revient plus jeune que jamais". Elle a été rééditée le 5 décembre 1973, le 30 novembre 1983 et le 12 février 1992.

Quelque temps avant l'une de ces rééditions, l'erreur mentionnée précédemment a été corrigée et un nouveau carton de texte a été réalisé. En 1993, une autre modification a été apportée : la première phrase du livre a été modifiée numériquement pour obtenir le texte plus courant "Il était une fois", au lieu de "Il y avait une fois". Ce changement, sans doute inutile, a nécessité de raccourcir l'ouverture du livre, car cette phrase était visible dans le plan d'ensemble.

C'est cette version légèrement modifiée qui a été utilisée pour la sortie du Laserdisc et de la VHS en 1994, qui est aussi la dernière fois que le doublage de 1962 a été utilisé officiellement.